Noyés au milieu d’une avalanche d’articles traitant de l’incontournable salon VivaTech et de livres blancs sur le RGPD, deux articles ont attiré mon attention la semaine dernière.
Le premier, venant du Journal du Net, traite de la digitalisation du ticket de caisse chez Promod, Decathlon, et Etam.
Le second couvre un sujet abordé par de nombreux journaux : l’abandon de l’application d’alerte attentat SAIP (Système d’Alerte et d’Information des Populations).
Ces deux articles semblent n’avoir aucun lien entre eux ? Et pourtant !
Ils montrent deux facettes d’un même concept : la transformation digitale.
Digitalisation des tickets de caisse
La digitalisation des tickets de caisse nous montre les avantages synonymes d’une transformation digitale réussie :
- Un intérêt immédiat pour le client: plus besoin de chercher son ticket au fond d’un tiroir pour échanger un produit ou faire jouer une garantie, et son portefeuille est moins encombré (les acheteurs compulsifs comme moi comprendront de quoi je parle )
- Un intérêt en image de marque: dans l’inconscient général, moins de papier = écologie (même si dans les faits, le coût en énergie du stockage et de l’envoi de ces tickets est loin d’être neutre)
- Et surtout une création de valeur ajoutée sur un processus qui n’en avait aucune !
- Les enseignes peuvent analyser les achats du client pour améliorer drastiquement leur ciblage informatif et publicitaire, en utilisant notamment le stop retargeting (ne pas proposer au client la publicité d’un article qu’il vient d’acheter).
- L’envoi du ticket au client peut également être accompagné d’une promotion ou publicité ciblée, ou d’un questionnaire de satisfaction, avec un taux d’ouverture qui ferait rêver tout e-publicitaire : on parle de plus de 70% !
- La gestion des retours et garanties est simplifiée, le ticket étant accessible par toute la chaîne logistique. Cela ne peut qu’améliorer l’image de marque et diminuer les coûts de traitement.
- Enfin le processus peut apporter des économies de fournitures (rouleaux de papier), mais elles sont négligeables pour le moment.
Application SAIP
En revanche, lancée juste avant l’Euro 2016, l’application SAIP nous montre ce qu’il ne faut pas faire :
Rappel de l’objectif affiché : avertir la population d’un attentat moins de 15 minutes après le début des faits
- L’outil avant le besoin: Il a été décidé de développer en urgence une application mobile alors qu’une technologie mature et éprouvée pouvait être exploitée : La diffusion cellulaire.
La diffusion cellulaire consiste à envoyer en masse à tous les mobiles d’une zone, via les antennes des opérateurs, des SMS d’alerte.
Certes moins vendeur qu’une application smartphone en cette période de tout digital, ce procédé :
- A été éprouvé depuis de nombreuses année par plusieurs pays
- Fonctionne avec une qualité basse de réseau
- Est compatible avec l’ensemble du parc de téléphones (intelligents ou non)
- Utilise des canaux spécifiques et prioritaires, idéaux en cas de congestion du réseau (ce qui arrive systématiquement en cas d’attentat)
- Est simple d’utilisation
- Répond donc totalement au besoin
- Une inconnue : le coût de mise en place, qui a peut-être défavorisé cette solution. Sachant que la solution choisie a coûté 400000€, on peut quand même en douter…
Face à cela, la solution choisie présentait bien des faiblesses, aussi bien en termes de réalisation que d’utilisation…
- Population ciblée: L’application ne s’adressait qu’aux possesseurs de smartphones sur iOS et Android, excluant de fait les possesseurs de simples téléphones, de blackberry, et de Windows Phone.
- Disponibilité : Une connexion 3G/4G ou wi-fi était indispensable, et l’application risquait donc de ne pas fonctionner en cas de saturation du réseau,
- Complexité d’utilisation : Pour bénéficier du service, il fallait télécharger l’application et bien activer les notifications et la géolocalisation. Sur les produits iOS (IPhone ou IPad), il fallait de surcroît conserver SAIP en « tâche de fond ». Une fois installée correctement, l’application demandait à l’utilisateur de sélectionner entre une et huit zones géographiques afin d’être alerté d’un attentat dans une autre région que celle dans laquelle il se trouve. Rappel : la diffusion cellulaire demandait juste à l’utilisateur de savoir recevoir un sms…
- Architecture : Les délais de mise en place n’ont pas permis de mettre en place une redondance entre deux hébergeurs ! Une panne a touché le datacenter hébergeant les serveurs de l’application, le 13 juillet, veille de l’attentat de Nice. Cette panne, suivie d’un problème de gestion du redémarrage des serveurs a entrainé un délai de 3h pour envoyer le message d’alerte, reçu uniquement par les personnes ayant pu installer l’application …
- Communication: L’effort de communication n’a pas été à la mesure du but à atteindre : après 1 an d’existence, à peine 1 million de personnes avaient installé l’application, là où un seuil de 5 Millions d’utilisateurs constituait le minimum garantissant une bonne efficacité du système.
- Qualité de l’information: constatant le peu de fiabilité de l’application, les citoyens français ne s’y sont pas trompés et se sont reportés sur les comptes Twitter des préfectures, mais aussi sur la fonction « safety check » de Facebook. Conséquence ubuesque : La préfecture de police de Paris communiquait début 2018 en priorité sur son compte Twitter, avant de déclencher l’alerte du SAIP. Le 23 mars dernier, lors des attentats de Carcassonne et Trèbes, aucune alerte SAIP n’a été envoyée.
- Abandon: Suite à cela, le gouvernement a arrêté les frais et l’application a été fermée. Les négociations avec les opérateurs n’ayant pas permis de mettre en place la diffusion cellulaire, les autorités vont en attendant renforcer leur présence sur les réseaux sociaux, solution actuelle vers laquelle les utilisateurs se sont naturellement tournés.
Le mot de la fin
Ces deux articles nous rappellent quelques notions importantes à avoir en tête lorsqu’on envisage une transformation digitale, aussi bien en point de vente que pour une transformation de process internes :
- Une transformation digitale est avant tout une transformation: un outil, aussi puissant soit-il, reste un outil. La transformation digitale doit impérativement se baser sur des processus et des besoins, pour proposer les transformations et outils adéquats, et non l’inverse
- L’architecture de la solution est primordiale, et doit s’adapter aux conditions opérationnelles, tout en étant scalable pour préparer l’avenir
- La solution doit, dans la mesure du possible, s’adapter au matériel existant (terminaux, écrans, etc.). Si un changement est nécessaire, la cohérence des nouveaux matériels choisis est à prendre en compte, un écosystème adapté pouvant accélérer grandement l’adoption du changement.
- Les nouveaux outils et processus doivent être adoptés par tous les utilisateurs, faute de quoi des circuits parallèles de diffusion de l’information risquent d’apparaître, rendant le processus « transformé » caduc, avec des données partielles et non mises à jour. Pour cela il faut :
- Communiquer autour du projet pour que la transition se fasse en douceur
- Impliquer les utilisateurs dès le début pour bénéficier de leur retour d’expérience et faire converger les trajectoires de la solution et du besoin le plus rapidement possible
- Proposer des outils conviviaux et simples d’utilisation : c’est le travail des UX et UI Designers
- Former les utilisateurs du système
- Adapter la solution à la population visée
- Une transformation digitale réussie doit avoir une valeur ajoutée aisément percevable: gain de qualité, de productivité, ou baisse de coût de réalisation par exemple.
- L’agilité est primordiale : Elle permet aux utilisateurs finaux de s’impliquer dans le projet et d’apporter des modifications au fur et à mesure de l’avancement.
Le gouvernement a arrêté les frais et l’application a été fermée. Les négociations avec les opérateurs n’ayant pas permis de mettre en place la diffusion cellulaire, les autorités vont en attendant renforcer leur présence sur les réseaux sociaux, solution actuelle vers laquelle les utilisateurs se sont naturellement tournés.
Cette liste est bien évidemment loin d’être exhaustive, et nous reviendrons certainement sur le sujet lors de prochains articles liés à l’actualité.
Dernier point, ne jamais oublier que rien n’est figé dans le monde du digital. Ainsi, il faut espérer que les données personnelles des tickets de caisse ont été correctement segmentées lors de leur acquisition, sans quoi l’entrée en vigueur du RGPD pourrait faire s’effondrer ce beau château de cartes….
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Bruce LARRE